Tel était le titre en couverture de l’hebdomadaire Politis, il y a dix jours. Cette droite qui revient, ce n’est ni l’UMP ni le Front national mais le gouvernement « socialiste » qui, en moins de deux mois, vient de se convertir à une politique de droite.
Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, nous l’a annoncé, le 7 novembre dernier : « C’est une décision sans précédent, une véritable révolution copernicienne pour la gauche ». Après le « sérieux budgétaire », la relance de la construction européenne, les mesures en faveur de la compétitivité des entreprises constitueraient la troisième pierre pour assurer le redressement de l’économie française.
Au menu désormais du gouvernement de « gauche », les réductions des cotisations patronales de 20 milliards et des dépenses publiques de 10 milliards, l’augmentation de la TVA. Une volte-face complète si l’on se souvient du programme du candidat François Hollande, il y a seulement un peu plus de six mois. Rappelez-vous : il nous promettait de répartir plus équitablement l’impôt. Or, la TVA est l’impôt le plus injuste puisqu’elle frappe la consommation indépendamment des revenus. Mais il y a plus grave.
Louis Gallois, patron « de gauche » ?
Il n’est plus question que de compétitivité, depuis que Louis Gallois, a rendu son rapport. Dès avant sa publication, toute la presse se saisissait du sujet et le patronat pratiquait un lobbying intense… qui aboutit aux décisions gouvernementales que l’on sait, applaudies par Le Figaro et la Commission Européenne.
Impossible de faire autrement puisque l’auteur du rapport est censé être impartial, n’est-ce pas ? Notons que ce rapport sur la compétitivité a été commandé par le gouvernement Ayrault lui-même à un grand patron. Je rappelle rapidement les étapes de la très brillante carrière de Louis Gallois : successivement PDG de la Snecma (1989-1992), de l’Aérospatiale (1992-1996), de la SNCF (1996-2006) et de la branche civile d’Airbus (2006-2012) ; mais il est sans doute très significatif de relever aussi qu’il était devenu le président d’un think-tank (club de réflexion) créé en octobre 2011, « La Fabrique de l’industrie » qui réunit l’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (UIMM), le Cercle de l’industrie, véritable lobby patronal auprès des institutions européennes créé par le PDG de Renault, et le Groupe des Fédérations industrielles.
Faut-il donc s’étonner qu’à partir du rapport Gallois, le gouvernement Ayrault en vienne à adopter un programme qui ressemble fort à celui prôné par le MEDEF ? Bien entendu, la politique adoptée aujourd’hui nous est présentée comme la seule possible pour redresser l’économie française !
Il y a des critiques que tout citoyen, sans être économiste, peut formuler. On sait bien, par exemple, qu’un programme d’austérité budgétaire conduit au ralentissement de la croissance. La plupart des observateurs annoncent d’ailleurs que le gouvernement n’atteindra pas les taux de croissance sur lesquels il table : 0,8 % en 2013 et 2 % en 2014. Mais les économistes de la Fondation Copernic et d’Attac ont publié une note très instructive. J’en donne quelques grandes lignes.
L’analyse des économistes
Nos économistes soulignent d’entrée de jeu qu’il faudrait s’interroger sur la validité des chiffres présentés et destinés à dramatiser la situation de l’économie française. Ainsi, la méthode de calcul du coût du travail en France est contestable.
Surtout, il est significatif qu’on nous présente le coût du travail comme le grand responsable de la faible compétitivité des entreprises françaises ; le coût du capital n’étant jamais mis en cause. Or, les revenus nets distribués aux actionnaires des sociétés non financières qui, en 1999, représentaient 5,6 % de la valeur ajoutée, s’élèvent aujourd’hui à 9 %. Les actionnaires ont donc été les grands gagnants mais il n’est pas question de les mettre à contribution pour redresser la fameuse compétitivité !
De manière implicite, la stratégie allemande – gagner de la compétitivité au détriment du pouvoir d’achat des ménages – est présentée comme la seule issue possible pour l’économie française. La guerre économique permanente ne peut pourtant qu’appauvrir les populations.
Quant à Michel Husson, il souligne qu’il est impossible que les réductions de charges patronales concernent seulement les entreprises exportatrices ; toutes en profiteront et certaines ne manqueront pas d’augmenter leurs profits.
Vraiment, les 18 millions de Français qui ont voté pour François Hollande, le 6 mai dernier, voulaient-ils cela et, d’ailleurs, est-ce bien ce qu’on leur avait promis ?