Algérie, cinquantenaire de l’indépendance : Robert Barrat, l’âme de la résistance à la guerre

En ouverture de ce blog, je voudrais rappeler, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, la mémoire de Robert Barrat.

Robert Barrat, l’âme de la résistance à la guerre

Cet ancien normalien qui avait choisi d’être journaliste a publié dès 1955 le premier reportage dans les maquis du FLN. Il a créé le comité de Résistance spirituelle qui a rassemblé des prêtres, des intellectuels chrétiens et des militants de base; en 1957, ce Comité a publié la brochure Des rappelés témoignent. Il a multiplié les conférences d’information dans toute la France et, en 1960, a signé le Manifeste des 121. C’est pourquoi je reproduis son article d’avril 1956 qui a été un peu son credo paru dans Le Bulletin, avril 1956.

«  Pourquoi nous combattons  »

 

«  Pourquoi nous opposons-nous à une politique de force en Algérie et réclamons du gouvernement qu’il mette en oeuvre pour aboutir rapidement à une solution négociée  ?

1° Parce que la justice n’est pas réalisée en Algérie  : ni sur le plan politique, ni sur le plan économique, ni sur le plan social, ni sur le plan religieux.

2° Parce que, depuis cent vingt-cinq ans que la France a conquis et occupe l’Algérie, la population musulmane de ce pays n’a cessé d’être pratiquement maintenue sous tutelle et empêchée de participer effectivement à la gestion des affaires publiques.

3° Parce que le Statut de 1947 qui contenait une promesse d’émancipation et d’évolution est demeuré lettre morte depuis huit ans.

4° Parce que la plupart des consultations électorales, qui eussent permis aux aspirations du peuple algérien de se faire entendre par une voie légale et pacifique, ont été systématiquement truquées.

5° Parce qu’au signal de la Toussaint 1954, par lequel les Algérien tentaient d’alerter le peuple français sur la nécessité de profondes réformes dans les structures de la société algérienne, nos gouvernements successifs n’ont répondu que par des promesses verbales d’améliorations sociales et l’organisation effective de la répression  : dissolution de partis politiques, état d’urgence, ratissages, camps de concentration, tortures policières.

6° Parce que l’émotion légitimement soulevée par des attentats récents contre des civils européens ne doit cependant pas nous faire oublier que le combat mené depuis des années par le peuple algérien pour son émancipation est un combat fondamentalement juste. Des chrétiens, surtout lorsqu’ils sont français, ne peuvent pas ne pas regarder avec sympathie des hommes qui luttent pour leur liberté.

7° Parce que la guerre algérienne a pris un caractère de jour en jour plus inexpiable et total, et que nous ne voulons pas que la jeunesse française soit, malgré elle, entraîner à rééditer contre la population civile musulmane, les crimes collectifs de la Wehrmacht hitlérienne.

8° Parce que nous connaissons la profonde unanimité du peuple algérien dans sa volonté de résistance, et sommes persuadés qu’en dehors de son extermination quasi totale, il est vain d’espérer en la possibilité d’un rétablissement de l’ordre par les seuls moyens militaires.

9° Parce qu’une guerre ouverte en Algérie entraînerait fatalement la reprise de l’agitation au Maroc et en Tunisie, sonnerait le glas des espoirs d’une amitié entre les peuples français et nord-africains et d’une réconciliation entre chrétiens et musulmans, ferait voler en éclats toute idée d’un Commonwealth franco-africain, entamerait dangereusement la substance matérielle et morale du peuple français et provoquerait enfin l’avènement d’un régime autoritaire en France.

10° Parce que nous sommes chrétiens et que dans tout son enseignement, passé ou récent, l’Église hiérarchique nous demande d’oeuvrer à l’émancipation morale, sociale et politique des peuples colonisés.

11° Parce que dans tous les opprimés, quelle que soit leur race ou leur religion des chrétiens ne peuvent pas ne pas reconnaître la Face outragée et adorable du Christ.

La paix est possible en Algérie. Mais c’est à la condition que la France reconnaisse l’existence d’un vouloir-vivre national du peuple algérien, fort conciliable, si on le veut, avec l’existence d’une minorité européenne ayant gagné son droit de vivre sur le sol algérien.

En conséquence,

nous demandons au gouvernement de Front Républicain de franchir l’étape de plusieurs mois de guerre inutiles  ;

– de faire l’économie de dizaines de milliers de vies humaines, et d’incalculables richesses qui seraient plus utiles à des oeuvres constructives en France et en Algérie.

– d’entamer la négociation d’un cessez-le-feu avec les dirigeants du Front de Libération Nationale  ;

  • d’accepter que dès le retour au calme, le statut politique futur de l’Algérie et les étapes de sa réalisation soient déterminés par voie de libre discussion avec les leaders du peuple algérien.  »

La semaine prochaine, je publierai mes notes d’une thèse qui vient d’être soutenue sur «  les silences de Pie XII  ».

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